Comme beaucoup, Michel désire mieux vivre la prise de parole en public.« Dès que j’apprends que je dois assurer une présentation, j’angoisse. Même si c’est trois mois à l’avance. J’y pense tous les jours, je dors de moins en moins bien, je deviens irritable. » Michel (prénom d’emprunt) est analyste de marchés dans une entreprise internationale, son job est de proposer des solutions financières. Tous les trois mois, il doit présenter une analyse devant une cinquantaine de collaborateurs, dont de nombreux managers. « J’ai peur que mon idée soit refusée par mon chef, d’être empêché de travailler sur le sujet à cause d’autres urgences, de faire une mauvaise prestation et d’être critiqué ».
Même s’il sait à l’avance la date, il n’a que les trois jours précédents pour se préparer. Cette impossibilité d’anticiper et le peu de temps à disposition augmentent sa sensation de ne pas contrôler la situation. Sa qualité de vie baisse, sa performance également : il a de la peine à se concentrer et n’a plus de créativité.
Les mécanismes
Pourquoi l’idée de parler en public est-elle si angoissante ? Le stress est une transformation physiologique prévue pour nous permettre d’affronter des dangers réels et absolus. Aujourd’hui, les dangers sont relatifs, on ne stresse pas pour les mêmes raisons ni de la même manière. Il existe pourtant quatre causes de stress communes (acronyme mnémotechnique : CINE) : le manque de Contrôle, l’Imprévisibilité, la Nouveauté et la menace sur l’Ego. Celle-ci concerne le regard des autres sur soi et l’estime de soi. Chaque fois qu’un individu est remis en cause, il craint pour son appartenance au groupe, condition essentielle à sa survie. Ici, Michel craint de manquer de temps (absence de contrôle), ne connaît pas le sujet (imprévisibilité) et doit se présenter face à un groupe (menace sur l’égo). Son stress est tout à fait explicable.
Le pouvoir insoupçonné du mental
Pour se préparer à un événement, la technique de l’imagerie mentale est très efficace. Elle consiste à se projeter mentalement (en image, sensations et émotion) et positivement dans l’événement redouté. L’imagerie mentale a un double effet. Elle prépare concrètement à l’événement et diminue l’anxiété préalable. Si la conscience l’a « déjà vécu dans le futur » de manière positive, elle peut cesser d’alerter sur le danger, les anxiétés diminuent.
J’invite Michel à s’imaginer quelques minutes avant la présentation faisant des exercices de respiration pour se concentrer, puis marcher de son bureau à la salle de présentation en se concentrant sur ses mouvements, pour enfin entrer dans la salle et sentir l’atmosphère, la sensation de la moquette sous ses pieds. Durant cet exercice, il veille à ce que son corps reste relâché et sa respiration profonde. Il imagine ensuite le début de son intervention, puis la fin avec les applaudissements et les félicitations. Je lui propose d’intégrer des sentiments de plaisir et de satisfaction et un état du corps solide (pieds ancrés dans le sol, épaules relâchées) qu’il devra reproduire lors de la présentation réelle.
Evolution
Après la présentation qui a suivi cette préparation, Michel me raconte avoir été d’abord déçu de sa prestation (l’effet du doute, qui porte l’attention sur ce qui ne va pas), mais qu’il était bien seul à le penser puisqu’il a reçu de nombreuses félicitations. Il a bien dû reconnaître qu’il possède les capacités pour faire une bonne prestation. Les présentations ultérieures furent chaque fois mieux vécues. Aujourd’hui, il se réjouis à l’idée de pouvoir présenter ses idées, ses angoisses ont disparu, il dort mieux.
© Denis Inkei
(article publié dans le magazine Bilan N°17, 27 septembre 2017)
